MAROC-TUNISIE:CONCURRENTS MAIS PRÊTS À JOUER LE JEU

MAROC-TUNISIE:CONCURRENTS MAIS PRÊTS À JOUER LE JEU

• BOOSTER DES ÉCHANGES COMMERCIAUX TRÈS FAIBLES

SEULEMENT 25 ENTREPRISES MAROCAINES IMPLANTÉES EN TUNISIE

CRÉATION D’UN FONDS COMMUN CHARGÉ DE FINANCER LE COMMERCE ET L’INVESTISSEMENT

Désormais, la croissance appartient à ceux qui coopèrent tôt. C’est dans cette optique que s’est tenu le méga-forum tuniso-marocain des chefs d’entreprises la semaine dernière (un record de 200 hommes d’affaires des deux pays) sous la houlette des deux centrales patronales Utica et CGEM. Le cadre de la rencontre était tout désigné: donner un nouveau souffle aux investissements bilatéraux, le Maroc et la Tunisie se connaissant sans réellement se connaître. Des têtes d’affiche, des PME de part et d’autre, petites entreprises sont venues défricher le terrain mais également des entreprises ayant investi d’une part ou d’autre. Le forum était l’occasion de mettre en exergue le savoir-faire.

Jouer un rôle stratégique

La vitesse est un élément important dans ce processus. D’emblée, le ton a été donné par les deux présidentes des centrales patronales: Wided Bouchemaoui d’une part et Meriem Bensalah de l’autre sous le thème «Des synergies à bâtir au service de la croissance et l'emploi», comportant trois axes: le développement des échanges commerciaux, les incitations à l'investissement, ainsi que le renforcement de la complémentarité bilatérale. Autant de pistes à développer à l’heure où les deux pays se connaissent sans vraiment se connaître.
Pour de nombreux opérateurs tunisiens, le Maroc peut jouer un rôle stratégique en dynamisant l’investissement à travers des projets de développement économique. Jusque-là, les deux pays se positionnaient en économies concurrentes au lieu d'être complémentaires, le chassé-croisé n'ayant pas permis aux relations d’émerger.
En effet, en dépit des accords de libre-échange, connus sous le nom des accords d’Agadir, les échanges commerciaux restent très faibles. Les chiffres montrent bien que ni la Tunisie ni le Maroc n’ont pu profiter des opportunités qui s’offrent ici et là. Les investisseurs présents l’ont appris à leurs dépens. Les deux pays visent à booster dans un premier temps les échanges commerciaux au niveau de 800 millions de dinars, contre 510 millions selon les dernières statistiques officielles tunisiennes de 2013 (dont 368 millions de dinars d’exportations et 142 millions d’importations). Les échanges commerciaux représentent seulement 1% du volume global des échanges extérieurs des deux pays.
La Tunisie importe principalement des biens d’équipement, des produits semi-confectionnés, pharmaceutiques et alimentaires. Le Maroc importe essentiellement des dattes, des produits végétaux bruts, chimiques et des ouvrages en papier.
Côté entreprises, la présence reste assez timide. Au total, ce sont quelque 25 entreprises marocaines qui ont investi en Tunisie (banque, sociétés d’investissement, agroalimentaire,…). D’un autre côté, une poignée d’entreprises tunisiennes se sont installées au Maroc dans des secteurs phares (câblage automobile, filtres automobiles, aviculture, BTP, télécom, agroalimentaire). Au-delà des discours officiels, ce sont les rencontres en aparté entre des entreprises qui pèsent lourd dans les deux pays qui ont le plus marqué. Des échanges concrets et des pré-contacts avec des partenaires potentiels ont été effectués. Parmi les annonces de la journée, l’étendue de la reconnaissance des normes aux produits pharmaceutiques et produits agroalimentaires, la réduction du coût de la logistique (transport maritime et aérien), la baisse des coûts financiers des opérations commerciales, la création d’un comité de développement des échanges de produits et services à haute valeur ajoutée, ou encore la création d’un fonds commun chargé de financer le développement du commerce et de l’investissement.

Ils ont dit:

Mériem Bensalah, présidente de la CGEM
«Le Maroc et la Tunisie ne tirent pas assez des synergies existantes. Les entraves douanières et administratives sont les principaux obstacles à aplanir. Il faut éliminer la mentalité d’individualisme et travailler ensemble pour une interdépendance économique. Les licences d’importation, les quotas ou les barrières non tarifaires doivent disparaître. Il faut transformer la concurrence en opportunités à travers des investissements mixtes et développer une véritable révolution industrielle dans les deux pays».

Wided Bouchemaoui, présidente de l’Utica
«L’organisation du forum tuniso-marocain traduit la volonté incoercible des entreprises des deux pays de booster les échanges commerciaux. La coopération bilatérale en l’occurrence dans le secteur privé est un pilier de croissance et de création d’emplois pour les deux pays. Notre objectif est de doubler le volume d’échanges à moyen terme».

Moulay Hafid Elalamy, ministre de l’Industrie et du Commerce
«L’heure est au développement des synergies entre les deux pays et de tirer au mieux du potentiel de développement mais aussi des complémentarités pour assurer une croissance soutenue et doper les économies respectives par un investissement productif».

Kamel Benaceur, ministre tunisien de l’Industrie, de l’Energie et des Mines
«Notre objectif est de multiplier par dix le volume des échanges bilatéraux et de passer des économies concurrentes à des économies co-compétitrices. Le principal chantier actuel est d’entamer des réformes sur les plans institutionnel et administratif. La finalité étant d’adopter des stratégies communes pour une meilleure ouverture vers les marchés européen, arabe et asiatique».

Hichem Elloumi, vice-président de l’Utica
«La Tunisie ne ménagera aucun effort pour drainer de nouveaux investisseurs marocains qui viendront s'ajouter à la vingtaine d’entreprises marocaines opérant actuellement. Après la révolution, le mouvement d’ouverture des entreprises tunisiennes vers le Maroc s’est accéléré. Elles sont conscientes des opportunités qui s’y présentent. Et nous souhaitons de voir plus d’entreprises sauter le pas».

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